Arts et Métiers : Interview de Pascal CAESTECKER, responsable de l’unité d’enseignement d’expertise Gestion Industrielle et Logistique Globale
Pouvez-vous présenter votre parcours et la formation des arts et métiers que vous dirigez ?
Je m’appelle Pascal Caestecker, je suis ingénieur Arts et Métiers, ancien élève de l’École Normale Supérieure de Cachan et agrégé de génie mécanique. J’ai également un doctorat de l’INSA de Rennes. Après un début de carrière à l’INSA de Rennes d’ailleurs, puis l’ENSAM de Lille et enfin l’INSA de Paris, où j’y ai été directeur adjoint. J’ai été aussi directeur des formations et de la vie étudiante de Supméca pendant 1 an. Depuis 2014, je suis responsable de l’unité d’enseignement d’expertise Gestion Industrielle et Logistique Globale (GICLOG) à l’ENSAM de Paris.
C’est une unité d’enseignement de 150 heures intégrée, dans le dernier semestre de l’année universitaire pour l’obtention du diplôme d’ingénieur Arts et Métiers dans le cadre du programme Grande École. Elle n’est donc accessible actuellement qu’aux étudiants qui rentrent en l’école des Arts et Métiers par la voie du programme Grande École et sont sélectionnés en 2e année pour y participer. Le programme d’enseignement est orienté sur 4 axes majeurs.
Le premier axe correspond à l’ensemble des fonctions supports de l’entreprise, comme les achats par exemple. Le deuxième axe se définit par l’ensemble des techniques à l’amélioration continue des processus à l’intérieur de lignes manufacturées ou de services. Classiquement ce sont les techniques Lean qui sont appréhendées. Le troisième axe est l’ensemble des techniques de gestion de production et de gestion de stock, par l’utilisation des outils de modélisations et de gestion des processus de productions. Le quatrième axe est orienté supply chain c’est-à-dire sur l’ensemble des techniques d’approvisionnement et ces chaînes de production. Ce quatrième axe est associé à l’utilisation du logiciel de type ERP reconnu dans le monde entier, le logiciel SAP. Nous l’avons dans sa version universitaire sur lequel les étudiants réalisent des cas d’études sous forme de « serious games ».
Pour finir, les étudiants qui suivent cette unité d’expertise peuvent se projeter dans un stage de fin d’étude dans ces domaines. Cet ensemble leur donne donc les compétences pour arriver à des métiers comme manager juniors de la supply chain ou de gestion de production à l’intérieur des grandes ou petites entreprises.
Doit-on impérativement avoir fait son début de parcours scolaire aux Arts et Métiers ?
Oui. Il y a deux voies pour intégrer GICLOG lors de la sélection en deuxième année. La première voie est selon le classement de l’étudiant. Ils font un choix entre plusieurs unités d’expertise et il y a une sélection au niveau national en fonction du classement. Cette voie correspond à 80 voire 90 % du processus habituel. Dans la deuxième voie, les étudiants font un choix et demandent à intégrer dans le cadre de contrat de professionnalisation. Je sélectionne ces étudiants aussi 2e année, mais cette fois-ci en fonction de leur profil et de leur projet professionnel. C’est à eux de trouver l’entreprise qui puisse faire le contrat de professionnalisation.
Quel est le nombre d’étudiants par promotion ?
Nous avons des promotions de 24 à 27 étudiants par année ; nous restons sur des promotions relativement restreintes mais homogènes.
Quand il s’agit des Arts et Métiers, on a souvent l’image d’une école d’ingénieur tournée vers les métiers de production ou de bureau d’études, pourquoi cette spécialisation en supply chain ?
L’unité d’expertise que je pilote est le résultat d’une longue maturation de plus de 20 ans d’existence bien avant moi. Elle a été créée par le professeur Robert Canonne qui était très orienté gestion de production à l’époque mais qui a très tôt impulsé une réflexion autour des problématiques de la supply chain. Comme nous essayons d’être à jour en termes de technique et technologie associée il y a une diversification de la formation où nous arrivons aujourd’hui à ces quatre axes. Mon objectif est aussi d’intégrer l’industrie 4.0 pour être un des acteurs de la réindustrialisation ce qui, de mon point de vue, est le cœur d’activité de l’école depuis quasiment la seconde révolution industrielle.
D’autre part, effectivement dans un lien avec la recherche, l’établissement a ouvert deux autres unités d’enseignement d’expertise en 3e année : Une située à Lille qui est plus orientée procédé mais dans laquelle il y a une intégration du Lean appuyé par un laboratoire en robotique, l’autre sur le centre de Paris, ouverte avec un partenariat avec Sopra Steria sur le traitement des données associées à l’industrie 4.0. GICLOG est finalement à l’interface de ces deux unités d’enseignement d’expertises. Dans l’enseignement j’ai à cœur de donner aux étudiants les outils de compréhension des enjeux associés au big data ; notamment tout ce qui concerne l’ensemble des processus métiers et intégré à la gestion industrielle.
Les 4 axes sont très industriels, nous parlons vraiment de logistique industrielle, est-ce qu’il y a dans votre formation un module sur la logistique plutôt de « prestation » ?
J’ai pris l’a priori de ne pas parler de l’aspect blockchain à la réflexion des étudiants mais de rester sur une logistique de supply chain plutôt intégrée dans le processus industriel.
Est-ce qu’il est mention de la logistique de prestation avec le stockage ?
Un des axes de GICLOG est comme je l’ai dit, la fonction support (achats, …). Mais sinon, la logistique de prestation n’est pas évoquée à ma connaissance aujourd’hui c’est non mais dans un cadre de formation continue, il n’est pas dit que cette dimension ne pourrait pas être prise en compte.
Quels sont les métiers auxquels accèdent les étudiants à l’issue de la formation ?
Je n’ai pas beaucoup de visibilité sur la poursuite professionnelle des étudiants qui font partie de la cohorte de GICLOG. Les contacts que j’ai continué à avoir avec certains étudiants montrent qu’ils restent beaucoup dans le domaine de la supply chain ou de la mise en place d’ERP. Quelques-uns se sont orientés vers des typologies de métiers plutôt financiers même si j’ai l’impression que cela se tarit un peu ces dernières années.
Est-ce que vous notez des évolutions au sein de l’unité que vous dirigez ? Avez-vous fait évoluer cette unité depuis que vous la dirigez ?
Initialement l’unité était très orientée vers la gestion de production et Monsieur Canonne l’a davantage développé vers la supply chain d’où son nom « Gestion Industrielle et Logistique Globale ». Depuis ces dernières années j’essaie de la faire évoluer sur le traitement des données autour des processus industriels. Premièrement autour de l’utilisation d’un ERP comme SAP où les étudiants réalisent un serious game où ils mettent en œuvre l’utilisation de SAP. Deuxièmement, nous avons intégré depuis une petite dizaine d’années l’excellence opérationnelle. J’essaie donc de faire tendre un peu sur l’industrie 4.0.
Malgré les difficultés de l’interprétation de ce qu’est l’industrie 4.0, je pense qu’il est important de montrer aux futurs ingénieurs les enjeux de la numérisation dans les processus industriels globaux, qu’ils soient humains, techniques et financiers voire des enjeux sociétaux et environnementaux. Nous leur donnons donc les outils dans chacune des briques du processus et que finalement l’industrie 4.0 soit le ciment de leur construction intellectuelle. C’est ce qui leur permettra de rentrer dans l’industrie avec des outils intellectuels et opérationnels cohérents vis-à-vis de leurs projets professionnels.
Quel est le point fort de votre formation et qui, selon vous, séduit les recruteurs ?
Comme vous l’avez dit, il y a tout le background des Arts et Métiers et des étudiants. Nous sommes un peu la cerise sur le gâteau par rapport à des enjeux d’entreprises comme la maîtrise de système de production et cette chaîne logistique qui est un enjeu capital et que les étudiants maîtrisent un peu plus que les autres étudiants de l’école à l’issue de cette unité.
GICLOG est le ciment final qui permet de valoriser leurs compétences dans ce domaine en étant capable de piloter, d’optimiser, de concevoir, d’implanter des systèmes industriels complexes en considérants les dimensions techniques, organisationnelles, financières et humaines avec ce pragmatisme qui caractérise l’étudiant Arts et Métiers.
Enfin, auriez-vous un conseil vers les apprenants que voudraient se tourner vers cette unité d’expertise ?
Pour pouvoir rentrer dans cette unité d’expertise, il faut déjà rentrer dans l’école. Il faut donc s’intéresser à l’école, aux thématiques qui y sont associées et notamment sur une appétence du monde industriel. Une fois rentré dans l’école, il faut se construire un référentiel personnel par des stages, des lectures, des rencontres, des conférences… Nous avons la chance d’avoir au sein de l’école des alumnis qui sont extrêmement dynamiques sur ce domaine. D’ailleurs, Monsieur Robert Canonne est le président du groupe professionnel, un organisme à l’intérieur des alumnis ce que nous appelons la société des anciens élèves de l’ENSAM dans lequel il préside le groupe professionnel de la supply chain. Il y a un certain nombre de conférences qui sont organisées dans l’année avec des conférenciers de haut niveau. Par rapport à cela, je pense que c’est cette construction intellectuelle qui permet d’avoir une forme de maturité du projet et qui permet de valoriser l’axe de formation et une vie professionnelle à court et à moyen terme qui sera proposée et valorisée.
Enfin, si des apprenants n’ont pas eu la possibilité de rentrer à l’ENSAM par la voie du programme Grande École, il existe d’autres types de formations à l’ENSAM qui sont orientées génie industriel. Elles sont accessibles par l’apprentissage en partenariat avec des CFA, donc ce sont des diplômes d’ingénieurs de spécialité. Notamment à Paris il y a le génie industriel qui est accessible via des DUT et BTS et autres niveaux BAC+2.
Il y a d’autres moyens de rentrer à l’ENSAM, par la voie de la formation continue et notamment dans le Mastère spécialisé Management de la Performance Industrielle (Labélisé CGE). Elles sont accessibles après un BAC +5 ou éventuellement avec dérogations en BAC +4. C’est une formation de plus de 500 heures orientée sur la performance industrielle et tous les outils s’y afférant. Dans ces heures de formation, une activité pédagogique forte se déroule dans une usine-école à Aix-en-Provence où les étudiants mettent en œuvre pendant une semaine des processus d’implantation physiquement et réellement dans un atelier spécifiquement dédié. Un « serious game » sur SAP et l’obtention possible d’une certification Green Belt permet d’entrer dans le monde industriel avec de bons outils et de réelles compétences, mises en valeur dans le cadre d’un stage de 6 mois où elles sont mises en œuvre.
En conclusion, il y a une large donc gamme de possibilités, quel que soit le niveau des apprenants pour rentrer dans l’ENSAM et s’approprier des compétences autour des problématiques de la performance industrielle : possibilité de rentrer en formation initiale, de rentrer dans le programme Grande École, dans le cadre de formations d’ingénieur de spécialité, ou encore l’obtention d’un Mastère spécialisé labellisé CGE pour des apprenants qui veulent une formation très spécialisée dans le domaine de la supply chain, de l’amélioration continue et de la performance industrielle.
Merci Pascal CAESTECKER pour le temps que vous nous avez accordé.
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